Nombreux sont parmi les dirigeants et managers que je rencontre ceux qui se sentent débordés par les mille et une taches qu’ils ont à réaliser. Et celles-ci leur semblent d’autant plus nombreuses que leur entreprise se développe. Submergés par leur interminable « to-do list », ils éprouvent un certain épuisement physique, une angoisse et un stress permanents et regrettent que leur travail empiète si fortement sur leur vie personnelle. Etre débordé est d’ailleurs un sentiment assez largement répandu dans notre société moderne.
Est-on condamné à être l’esclave de son emploi du temps? Comment reprendre la main et le contrôle?
Le sujet de « l’organisation » est probablement un des thèmes les plus traités dans le domaine du développement personnel; les méthodes, les techniques et les approches sont nombreuses mais je vais tenter ici de vous faire part de ma vision personnelle sur le sujet.
Etre à l’initiative
Quand je travaillais pour The Gores Group, un fonds d’investissement américain, Frank, senior vice président basé aux Etats Unis, expérimenté et plein de bon sens, me répétait souvent cet excellent adage : « If you dont make the decision, you will be the decision », ce qui signifie en français, « Si tu ne prends pas de décision, tu seras la décision ». Il voulait dire que lorsqu’on ne prend pas l’initiative et qu’on ne décide pas de ce qu’on souhaite faire, les autres ou les événements de notre vie décident pour nous. Il s’agit là d’un encouragement à être le principal acteur de sa destinée et de son emploi du temps, un appel à être proactif le plus souvent possible plutôt que de se contenter de réagir ou de gérer ce qui nous arrive.
Reprendre le contrôle de son emploi du temps, c’est donc d’abord être à l’initiative pour ne pas se faire imposer un agenda qui n’est pas le sien. Et selon moi, cette reprise en main se décompose en 3 étapes : décider de ce qu’on veut faire, choisir ses priorités, agir avec réalisme.
Décider de ce qu’on veut faire
La première chose essentielle est de déterminer notre liste des choses à faire. Faire une liste de ses taches, c’est passer chaque élément de cette liste au crible de notre jugement et décider ou non de le faire, en transformant cette liste de choses « à faire » en une liste de choses que « j’ai décidé de faire ».
Et ces taches que j’ai décidé de faire sont de 2 sortes : les choses que nous voulons accomplir (qui sont des projets qui trouvent leur origine en nous) et les choses que nous devons accomplir (qui sont des sollicitations et des impératifs de l’extérieur).
Concernant les choses que nous voulons accomplir, il est important de nourrir cette liste régulièrement, en s’entraînant à imaginer nos propres projets, à se fixer nous-même des objectifs, et à créer des taches qui en découlent. Si nous ne le faisons pas, notre emploi du temps ne sera rempli que de sollicitations extérieures; ce qui est peu gratifiant sur le long terme, peut entraîner une certaine frustration et une profonde démotivation. « La nature a horreur du vide », disait Aristote. Si notre emploi du temps est vidé de nos initiatives, il sera vite rempli de celles des autres.
Pour ce qui est des sollicitations extérieures, David Allen propose dans « Getting Things Done, s’organiser pour réussir » 3 options pour faire face à une demande extérieure. Au lieu de répondre immédiatement à une sollicitation par « pas de souci, je m’en occupe », il convient de prendre le temps de la réflexion avant de donner sa réponse. On peut se poser certaines questions : « Cette tache est-elle pour moi? Pourquoi devrais-je la réaliser? Combien de temps cela prendra-t-il? » et on peut ensuite :
- Accepter la sollicitation.
- Ne pas accepter la sollicitation : « Non, cela ne va pas être possible, désolé » est une réponse envisageable. Si une tache ne nous intéresse pas, ne relève pas de notre compétence et n’a pas de place dans notre emploi du temps, il est sain de savoir la refuser.
- Négocier la sollicitation : il s’agit là d’appliquer le principe d’assertivité, la prise en compte des désirs et des impératifs de l’autre et des miens à la fois. Par exemple, si j’ai pris un rendez-vous avec un client et qu’un imprévu prioritaire survient, je peux renégocier notre accord et l’appeler pour réarranger le rendez-vous en veillant à ce que notre relation n’en souffre pas.
Hiérarchiser et définir des priorités
Une fois notre première liste rédigée, il nous faut hiérarchiser les taches en établissant des priorités. Lors de mes séances de coaching, quand les managers que j’accompagne souhaitent traiter de nombreux sujets, on commence par définir les priorités en utilisant la matrice d’Eisenhower.
Cette matrice permet de classer les taches en 4 catégories distinctes, en utilisant 2 critères qui constituent les 2 axes de la matrice, l’importance et l’urgence :
- L’importance d’une tache est liée à l’impact que celle-ci a sur mes objectifs, à la valeur ajoutée que sa réalisation apporte. Une tache importante réalisée produira des effets positifs sur moi et sera une source de plaisir ou d’accomplissement. Covey définit une action importante dans « Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent » comme « une action qui contribue à concrétiser notre mission, à défendre nos valeurs et nos objectifs prioritaires ».
- L’urgence est régie par un principe de réalité, elle s’impose à moi ici et maintenant. Une tache urgente non réalisée produira des effets négatifs sur moi et sera également une source de souci.
Ces 2 axes, Urgence et Importance, produisent 4 quadrants dans lesquels sont classées les taches :
- Quadrant 1 – Important et Urgent : taches à réaliser en priorité
- Quadrant 2 – Important et Non Urgent : taches à réaliser rapidement, une fois les taches du quadrant 1 réalisées
- Quadrant 3 – Non Important et Urgent : taches qui peuvent attendre ou être déléguées
- Quadrant 4 – Non important et Non Urgent : taches inutiles qu’on peut abandonner et retirer de la liste
Bien entendu, ce travail de hiérarchisation est essentiel pour nous-mêmes, mais il ne faut pas hésiter également à partager nos conclusions avec les personnes avec qui on travaille. Si j’ai un supérieur hiérarchique qui me donne régulièrement de nouvelles taches, je dois réfléchir avec lui sur les priorités de chaque tache pour qu’il tranche quand il y a confusion. Si je suis moi-même manager et que je distribue de nouvelles taches à mes collaborateurs, je dois valider avec eux les priorités à donner afin d’éviter le « tout important/tout urgent », qui rendra la vie impossible à mes équipes tout en décrédibilisant ma parole.
Agir avec réalisme
Nos priorités une fois définies, il ne reste plus qu’à agir.
Pour se motiver et se lancer, nous pouvons quotidiennement revoir et mettre à jour notre liste de taches. Afin de faciliter le traitement des taches, David Allen préconise pour chaque tache de se demander pourquoi on souhaite la réaliser, de visualiser le résultat obtenu et de définir la première petite action à mettre en oeuvre.
Pour être efficace, il convient également de se protéger des « appels entrants ». Dans un monde marqué par l’hyperconnexion et le spam, nous sommes sans cesse contactés par téléphone, email et d’autres messageries. Ce flux de contacts peut être infini, mais il faut être capable de se déconnecter pour se concentrer sur nos taches prioritaires pendant de longues plages horaires. Selon Carlson, un économiste suédois « Un travail réalisé en continu prend moins de temps et d’énergie que lorsqu’il est réalisé en plusieurs fois ». Cela signifie simplement que les interruptions sont mauvaises pour la productivité.
Enfin, pour agir sereinement, il apparaît indispensable d’accepter l’imperfection. Parce que nous sommes humains, nos ressources sont limitées. Nous ne pouvons donc jamais tout faire et les taches que nous accomplissons sont rarement parfaitement réalisées. L’accepter, c’est pouvoir dormir le soir quand on n’a pas fini, c’est valoriser ses réalisations plutôt que de se soucier de ce qui reste à faire, c’est se satisfaire de faire au mieux dans la limite de ses capacités à défaut de faire parfaitement.
Et au-delà d’accepter notre réalité imparfaite pour vivre mieux, on peut même aller plus loin en érigeant l’imperfection comme une règle d’organisation, en appliquant notamment les 2 principes suivants :
- La loi de Pareto : Selon cette loi, 80% des effets sont le produit de 20% des causes. Cela veut dire que lorsque nous réalisons une tache, 80% des résultats découlent de seulement 20% du travail. Pour être efficace, on doit faire la différence entre l’essentiel et l’accessoire. Et on peut choisir de se concentrer sur le principal à accomplir plutôt que sur les détails, qui exigent beaucoup plus de travail pour moins d’effet.
- La loi de Parkinson : Selon cette loi, « Le travail s’étale de façon à occuper le temps disponible pour son achèvement ». Quand on a une tache à accomplir, on doit allouer un temps limité pour la réaliser. Ne pas fixer de « deadline », c’est prendre le risque de prendre beaucoup plus de temps qu’on aurait souhaité. Il faut fixer des délais réalistes et essayer de s’y tenir. Et pour s’y tenir, il faut revoir ses attentes et viser un résultat qui sera imparfait mais qui nous convienne.
Envie d’aller plus loin?
Chez WINGMIND, nous accompagnons les dirigeants et managers pour booster leur performance, leur impact et leur énergie.
Fondateur de WINGMIND, David Chouraqui est conseiller et coach de dirigeants et d’équipes de direction. Il est spécialisé en audits RH, assessment des dirigeants et accompagnement des changements et des transformations.