Tout entrepreneur doit avoir conscience que la mort d’une entreprise est un élément naturel du cycle de vie entrepreneurial. Ce qu’on crée aujourd’hui peut demain s’arrêter. Chaque année en France, environ 500 000 entreprises naissent mais 60 000 entreprises meurent et une statistique de l’INSEE montre que près de 1 entreprise sur 2 ne dépasse pas 5 ans d’existence. Dans la culture entrepreneuriale, héritée des Etats-Unis, l’échec est un passage obligé de l’entrepreneur, il fait partie de son voyage initiatique et de sa formation. De son échec, l’entrepreneur tire des ressorts et acquiert un savoir et des compétences qui lui permettront peut-être de réussir la prochaine fois. Nombreux sont les entrepreneurs célèbres comme Henry Ford, Bill Gates, Walt Disney qui ont connu des échecs retentissants avant de connaitre le succès. Je me souviens des conseils de mon ancien patron, Alec Gores, self made man américain, milliardaire et fondateur de The Gores Group, fonds d’investissement pour lequel j’ai travaillé. Alec ne cessait de nous répéter quand il s’adressait à l’équipe, « I want you to make mistakes ». Et j’avais du mal à comprendre totalement ce qu’il signifiait. Il voulait en fait que l’on prenne des initiatives et des risques, quitte à se tromper et à échouer, car c’était pour lui l’unique moyen de progresser et d’avancer.
Cependant, l’échec n’en reste pas moins pour celui qui le traverse une douloureuse épreuve, qu’il est difficile de prévenir mais qu’il est possible de surmonter.
1. Le triple traumatisme de l’échec
L’échec entrepreneurial peut avoir un fort impact sur l’entrepreneur et provoquer un véritable traumatisme. Philippe Rambaud, créateur de 60000 rebonds, une association venant en aide aux entrepreneurs qui ont échoué pour les aider à rebondir, décrit très bien le triple traumatisme que connait l’entrepreneur qui échoue.
- D’abord le traumatisme personnel; un entrepreneur qui échoue perd une partie de son être en même temps que son entreprise. Il éprouve un sentiment de honte, la honte de s’être trompé et d’avoir trompé ceux qui lui ont fait confiance, actionnaires, employés, clients… Il connait donc perte de vitalité, honte et culpabilité.
- Ensuite, le traumatisme financier; beaucoup d’entrepreneurs y perdent toutes leurs économies, ils mettent souvent leur caution personnelle en garantie d’emprunts et mettent rarement en place des assurances privés.
- Enfin, le traumatisme professionnel et sociétal; malgré le changement de mentalité récent sur l’entrepreneuriat, l’entrepreneur qui a connu l’échec est encore perçu comme un loser, un mauvais et son parcours atypique fait qu’il a du mal à se réintégrer dans le monde professionnel. Dans l’imaginaire commun, les bons réussissent et les mauvais se plantent. Jusqu’en 2013, les dirigeants ayant connu un dépôt de bilan étaient d’ailleurs fichés à la Banque de France.
2. Peut-on prévenir l’échec?
Il est malheureusement difficile de prévenir un échec, car il est impossible de prévoir ce qui marchera et ce qui ne marchera pas, mais on peut prendre quelques précautions et agir pour que l’échec, si il se présente, soit moins douloureux.
- Ne pas surinvestir
D’abord, on peut éviter le surinvestissement financier, émotionnel, matériel dans son projet entrepreneurial, en diversifiant ses investissements sur d’autres projets, personnels ou professionnels. En effet, plus l’investissement dans l’entreprise est grand, plus la perte est douloureuse. On ne percevra pas de la même manière l’échec d’un projet dans lequel on a investi 1 mois de travail et peu d’argent et l’échec d’une entreprise dans laquelle on a investi toutes ses économies et 10 ans de sa vie.
On peut également contenir l’échec en ayant une approche itérative pragmatique et moins risquée. En effet, on peut avancer petit à petit dans son projet par une succession de petits investissements dont on observe les résultats avant de poursuivre plutôt que de faire dès le début un gros investissement plus risqué. C’est la technique des petits pas, qui permet une progression plus lente mais moins dangereuse.
- Savoir lâcher prise
Enfin, quand la situation s’assombrit, que les indicateurs commerciaux et financiers sont mauvais, il faut éviter de se mentir à soi-même, jauger ses ressources, ses envies et évaluer l’option d’arrêter, sérieusement. Certains, malgré les déconvenues et les mauvais résultats, jouent un personnage aux antipodes de ce qu’ils vivent réellement et prétendent que leurs affaires se portent pour le mieux. On comprend la nécessité de faire bonne figure face a un public professionnel mais le marketing personnel a des limites. Il ne faut pas hésiter à en parler à quelques interlocuteurs à qui on fait confiance, pour écouter leurs avis et envisager ses options avec eux. Il faut également se méfier d’une forme de persévérance qui est en réalité un simple refus d’abandonner par principe. De nombreux entrepreneurs mettent plusieurs années avant de fermer une affaire en mauvaise posture. Parce qu’ils n’arrivent pas à lâcher prise, ne veulent pas abandonner. Mais il y a des projets qu’il vaut mieux abandonner. C’est seulement après coup, qu’on peut regretter d’avoir perdu du temps et de l’énergie qu’on aurait pu investir ailleurs.
3. Se reconstruire et rebondir
Que faire donc quand on a connu le traumatisme de l’échec? Rebondir n’est pas une chose facile et immédiate, surtout si le choc a été violent. Mais le rétablissement peut se faire en plusieurs étapes.
- Faire le deuil : Puisque l’échec est vécu comme une perte, il faut prendre le temps d’en faire son deuil. Selon la psychiatre Elisabeth Kübler-Ross, le deuil se fait en 7 phases, le déni – « c’est impossible » -, la peur – « que vais-je devenir ? » -, la colère – « c’est la faute des investisseurs » -, la tristesse – « ma vie est foutue » -, la négociation, l’acceptation et, enfin, la découverte des ressources cachées – « je peux commencer un nouveau projet ».
- Se reconstruire : Il est également important de pouvoir partager ses émotions et parfois d’être accompagné par un psychothérapeute ou un coach pour faire le point sur son échec, en faciliter le deuil et pouvoir passer à autre chose. Un traumatisme peut réveiller des souffrances ou provoquer l’apparition chez l’entrepreneur de nouvelles croyances telles que » je suis nul » ou « je ne me relèverai pas de cet échec ». Il est important de pouvoir les remettre en cause et de s’en défaire.
- Analyser les causes de l’échec : Il est très difficile d’expliquer toutes les raisons d’un échec. Chaque échec est différent et il y a souvent des raisons indépendantes de la volonté de l’entrepreneur et également des défaillances personnelles. L’objectif de l’analyse de l’échec n’est pas de développer un sentiment de culpabilité ni un sentiment d’injustice mais de tirer des enseignements de l’expérience. C’est l’occasion de mieux se connaitre, de déceler ses forces et ses faiblesses mais aussi d’être à l’écoute de ses goûts et de ses désirs (Je vous invite à ce sujet à lire l’article Définir ses motivations profondes pour trouver sa voie).
- Engranger à nouveau des succès : Après un échec, l’entrepreneur perd souvent confiance en lui. Il est alors utile qu’il s’active pour engranger à nouveau des succès. On peut se fixer des petits objectifs de réussite, très faciles à atteindre. Par exemple, suivre un cours, organiser un voyage, refaire du sport et se féliciter quand on a réussi.
- Construire un nouveau projet : Après avoir analysé son échec et pris conscience de ses forces et faiblesses, on peut ainsi bâtir un nouveau projet, qui soit plus en phase avec sa personnalité, mais également avec ses désirs et ses envies. Les chemins que poursuivent les entrepreneurs après avoir échoué sont très variés. Certains entreprennent à nouveau, soit immédiatement si ils en ont les ressources financières et l’énergie, soit après une pause. D’autres reprennent un emploi salarié. D’autres encore amorcent un changement radical de carrière et même de vie en se découvrant une vocation ou en vivant une passion, en devenant par exemple comédien, coach de vie, professeur de yoga, psychologue ou encore musicien.
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Fondateur de WINGMIND, David Chouraqui est conseiller et coach de dirigeants et d’équipes de direction. Il est spécialisé en audits RH, assessment des dirigeants et accompagnement des changements et des transformations.