L’entrée comme actionnaire d’un fonds de private equity est un événement stimulant pour une entreprise mais il apporte son lot de changements auxquels l’équipe de direction devra s’adapter. Les investisseurs en private equity sont nombreux et leur culture, leurs points d’attention, leur horizon d investissement, leur stratégie d’investissement et leur façon de collaborer avec le management peuvent varier. Néanmoins, ils constituent dans tous les cas des partenaires essentiels et actifs de l’équipe de management. La préférence des fonds d’investissement est de soutenir une équipe de management performante et efficace et de ne pas s’impliquer dans l’opérationnel mais lorsque des difficultés apparaissent, que l’entreprise est sous-performante ou traverse une phase cruciale, les investisseurs auront à cœur d’être plus présents et actifs pour préserver et faire fructifier leur investissement. Par ailleurs, les actionnaires majoritaires qui ont le contrôle sont naturellement plus actifs et décisifs que des actionnaires minoritaires qui exerceront davantage un pouvoir d’influence et de suggestion.
L’intégration d’un fonds de private equity dans le capital d’une entreprise inaugure une nouvelle phase de développement et de transformation. Les dirigeants doivent être conscients des changements et des attentes qui découlent de ce partenariat financier temporaire.
Voici dix points clés auxquels les équipes de direction doivent se préparer :
1. Définition d’une feuille de route claire et de KPIs pour piloter la performance
Les fonds de private equity investissent avec un horizon temporel limité et ont des objectifs précis. Ils se basent sur un business plan détaillé qui est au cœur de leur prise de décision. Ce modèle financier est un outil essentiel pour simuler l’évolution de la performance financière, anticiper les flux de trésorerie et explorer divers scénarios de sortie. Cela leur permet de calculer les taux de rentabilité internes (TRI) potentiels et les multiples d’investissement attendus. Ils ajusteront ce modèle au fil du temps de leur participation. En conséquence, les investisseurs discuteront avec les dirigeants une feuille de route détaillée, traduisant les objectifs financiers en mesures concrètes. Ils voudront instaurer une culture de mesure de la performance. Cela englobera la définition précise d’indicateurs clés de performance (KPIs) qui seront régulièrement évalués. Cette approche assure un suivi continu de l’évolution des KPIs, permettant d’identifier rapidement tout écart par rapport aux attentes et d’inciter les dirigeants à mettre en place des mesures correctives si nécessaire.
2. Amélioration de l’EBITDA pour augmenter la valeur d’entreprise
Le rendement des investisseurs en private equity est directement lié à la valorisation de l’entreprise à la sortie. Une entreprise plus rentable se traduit par une valeur d’entreprise accrue. En effet, la valeur d’une entreprise à un moment donné peut être déterminée en utilisant un multiple de l’EBITDA. Si l’EBITDA augmente, la valeur de l’entreprise augmente proportionnellement. Les investisseurs surveillent donc attentivement la capacité de l’entreprise à améliorer son résultat au fil du temps. Les dirigeants doivent agir sur deux leviers : augmenter les revenus et accroître la profitabilité, ce qui implique d’optimiser les marges. Les investisseurs encouragent donc les plans de développement du chiffre d’affaires ainsi que les initiatives de réduction des coûts. Cependant, ces derniers veillent avant tout à ce que l’entreprise soit capable d’accroître positivement son EBITDA.
3. Optimisation du cash pour maximiser le rendement
« Cash is King » pour les investisseurs. En effet, plus l’entreprise génère de la trésorerie, plus l’entreprise aura la possibilité de rembourser sa dette financière, d’augmenter son solde de trésorerie ou de distribuer des dividendes. Cela aura comme implication de diminuer la dette nette de l’entreprise et donc d’optimiser le produit des actionnaires à la sortie et ainsi que leur retour sur investissement. Par ailleurs, un bon niveau de génération de cash est indispensable si l’entreprise est sous LBO pour rembourser la dette contractée lors de l’opération avec ses intérêts. Enfin, l’optimisation du cash permettra à l’entreprise de financer les dépenses nécessaires à son développement sans financement extérieur supplémentaire et de constituer un trésor de guerre pour tenir le coup en cas de retournement de son activité. Ainsi, les investisseurs seront attentifs à l’évolution des charges, aux investissements et à la gestion du BFR.
4. Accélération des Transformations Stratégiques
Les investisseurs en private equity sont souvent un catalyseur pour l’entreprise. Ils ont des objectifs ambitieux, prennent au sérieux les promesses des entrepreneurs, veulent s’assurer que le plan soit réalisé et que les résultats soient au rendez-vous. Ils inciteront donc à ce que les changements et transformations nécessaires à la réussite de l’entreprise et à l’atteinte de ses objectifs soient mis en place, rapidement. Par ailleurs, ils peuvent aider et offrir leur soutien à mettre en place ces transformations. L’activité M&A et le buildup sont probablement leur transformation favorite et la plus en phase avec leur domaine de compétence. Ils inciteront aussi à mettre en œuvre les réorganisations et changements structurels nécessaires : recrutement de personnes clefs, réorganisation et renforcement de l’équipe de management, transformation digitale, transformation RSE parfois. Enfin ils pourront aussi favoriser le développement international et l’expansion organique de l’entreprise.
5. Structuration de la gouvernance et décisions partagées
L’entrée d’un fonds de private equity dans le capital d’une entreprise a pour conséquence la structuration et la formalisation de la gouvernance. Conseil d’administration avec des représentants des actionnaires, mécanismes de contrôle, attention particulière à la compliance et à la réglementation, mise en place de reporting, suivi des rémunérations et des embauches et révocations de personnes clefs et bien sur décisions stratégiques qui engagent l’entreprise. Si le fonds est majoritaire, il aura normalement le contrôle de l’entreprise (si il a la majorité des droits de vote) et aura le dernier mot sur les décisions. Si il est minoritaire, il exercera davantage une influence sur l’entreprise. Les prérogatives du fonds dépendront du pacte d’actionnaire négocié pendant le deal. Quoi qu’il en soit, il faut pour les dirigeants compter avec les investisseurs et accepter leur influence dans les décisions stratégiques.
6. Planification de la Sortie et Création de Valeur
Le fonds de private equity est un partenaire limité dans le temps qui développera une stratégie de sortie plus ou moins claire pour maximiser le retour sur investissement. Il a un horizon de sortie de quelques années : 3, 5, 7, 10 ans, cela dépend des fonds. Quoi qu’il en soit, si un fonds a la possibilité de sortir rapidement en réalisant un multiple d’investissement attractif, il n’y sera pas opposé. Au moment d’investir, un fonds aura les yeux rivés sur la sortie, et il travaillera avec les dirigeants à envisager cette sortie. D’abord optimiser la valeur de l’entreprise : par l’amélioration de ses résultats financiers, l’atteinte de milestones opérationnels, la structuration et la professionnalisation de l’organisation afin de « préparer la mariée » pour une cession de ses parts fructueuse. Il envisagera aussi les scenarios possibles de sortie : cession à un autre fonds, introduction en bourse, cession à un acteur stratégique.
7. Renforcement de la Fonction Financière
Les fonds de private equity sont des acteurs financiers et les professionnels qui la composent sont majoritairement des financiers. Leurs clients sont aussi des institutions financières ou des particuliers qui leur ont confié de l’argent pour obtenir un rendement. Ils privilégient donc une gestion financière rigoureuse. Ils insistent sur la nécessité d’avoir une fonction financière solide en place dans l’entreprise, avec des professionnels qualifiés et fiables (en particulier le CFO). Les dirigeants doivent ainsi veiller à ce que la comptabilité soit saine, que le reporting financier fournisse une information de qualité régulière, qu’un contrôle de gestion soit mis en place pour optimiser les couts et que les systèmes informatiques financiers soient fiables et optimisés pour une plus grande efficacité. Les fonds sont attentifs à tous les aspects financiers clefs de l’entreprise : le financement, l’optimisation des couts, l’exercice de budget, les opérations et transactions financières importantes.
8. Partage Continu d’Information et Communication Transparente
La communication ouverte et transparente est au cœur du partenariat avec un fonds de private equity. Tout d’abord, les investisseurs sont des acteurs analytiques qui ont besoin d’information pour comprendre, analyser et prendre des décisions. Cela commence par le processus de due diligence avant l’investissement. Ils comprennent aussi l’importance de maintenir un dialogue régulier avec les dirigeants. Des réunions de conseil structurées fournissent un cadre pour discuter des performances financières, des objectifs opérationnels et des défis. Cependant, les échanges informels sont également encouragés pour aborder rapidement les questions en temps réel et favoriser des décisions rapides. La franchise est valorisée, même face aux difficultés, car elle permet une collaboration plus efficace pour trouver des solutions appropriées. A l’inverse, le manque de communication ou la rétention d’informations importantes pourront etre à l’origine de conflits entre investisseurs et dirigeants.
9. Alignement des Intérêts avec le « Management Package »
Les fonds de private equity considèrent l’équipe de management comme des partenaires. Et ils souhaitent que les dirigeants soient engagés, motivés et cherchent à maximiser la création de valeur pour les actionnaires. Pour ce faire, les fonds de private equity déploient souvent un mécanisme connu sous le nom de « Management Package ». Ce package n’est pas simplement un ensemble d’incitations financières comme des options d’achat d’actions ou des bonus de performance. Il est aussi conçu pour garantir que les cadres dirigeants ont un « skin in the game », c’est-à-dire un investissement personnel et financier direct dans l’entreprise. En proposant aux dirigeants de co-investir dans l’entreprise à des conditions privilégiées, le « Management Package » s’assure que ces derniers ont une véritable incitation financière à optimiser la performance de l’entreprise. Ce co-investissement crée une responsabilité mutuelle et aligne plus étroitement les objectifs de la direction avec ceux des investisseurs. Ainsi, la direction ne se contente pas de gérer : elle a également une part active dans le succès ou l’échec de l’entreprise, tant sur le plan financier qu’opérationnel. Cette stratégie renforce une culture de responsabilité et d’engagement, où la direction et les investisseurs sont co-investis dans la réalisation des objectifs à long terme de l’entreprise.
10. Développement de la culture d’entreprise et engagement des équipes
L’entrée au capital d’un fonds de private equity peut bousculer une entreprise et ses employés. Elle stimule l’entreprise et favorise une culture de la performance mais peut aussi susciter l’appréhension des équipes. En effet, le fonds investit sur la base d’une feuille de route souvent ambitieuse, il va mettre l’entreprise sous tension. Il est donc indispensable que la culture puisse à la fois motiver et engager les collaborateurs mais aussi favoriser les comportements qui vont permettre la réalisation des objectifs de l’entreprise. Communiquer régulièrement avec l’ensemble des employés, écouter leurs aspirations et besoins et développer une culture d’entreprise forte et engagée constitue donc un chantier indispensable pour les dirigeants si ils veulent que l’entreprise réussisse.
En conclusion, l’arrivée d’un fonds de private equity comme actionnaire dans une entreprise marque le début d’une nouvelle ère, pleine de possibilités, mais également de défis. Ce partenariat n’est pas seulement une infusion de capitaux mais un changement profond qui requiert un ajustement stratégique, opérationnel et culturel. De la définition claire d’une feuille de route et de KPIs, à l’optimisation du cash et de l’EBITDA, en passant par des transformations stratégiques accélérées et une gouvernance plus structurée, les dirigeants doivent être prêts à embrasser une culture de la performance, de la rigueur et de la transparence.
Cette collaboration va au-delà d’une simple transaction financière ; elle représente un engagement réciproque à créer de la valeur, non seulement pour les actionnaires mais aussi pour l’ensemble de l’entreprise et ses employés. La communication ouverte, l’alignement des intérêts grâce au « Management Package », et le développement d’une culture d’entreprise forte et engagée sont des éléments clés qui permettront de naviguer avec succès dans cette nouvelle phase.
Pour aller plus loin
Chez WINGMIND, nous accompagnons les dirigeants pour les aider à préparer leur entreprise en vue d’une cession ou d’une prise de participation. Nous accompagnons également les fonds d’investissement en réalisant des Due Diligence RH qui peuvent comprendre l’audit organisationnel et l’assessment des dirigeants de leurs cibles.
Fondateur de WINGMIND, David Chouraqui est conseiller et coach de dirigeants et d’équipes de direction. Il est spécialisé en audits RH, assessment des dirigeants et accompagnement des changements et des transformations.