A l’origine uniquement utilisé pour décrire la prise de participations minoritaires par des grands groupes dans des start-ups, le corporate venturing définit aujourd’hui plus globalement l’ensemble des moyens mis en oeuvre par les entreprises pour identifier et développer de nouvelles activités hors du « core business ». Ces programmes stratégiques, qui ont pour objectif de trouver de nouveaux relais de croissance, ont d’abord été mis en oeuvre par des sociétés technologiques, mais ils sont aujourd’hui largement repris dans tous les secteurs. En effet, le cycle de vie des entreprises a tendance à se raccourcir dans de nombreuses industries, qui sont bouleversées par l’entrée fracassante de nouveaux acteurs et l’évolution des attentes des clients. Alors que certaines sociétés comme Facebook ou Uber connaissent des croissances exponentielles et deviennent des géants en quelques années, d’autres comme Blackberry ou Nokia dégringolent tout aussi rapidement. Comment mettre en oeuvre une stratégie d’avenir efficace pour faire face au déclin? Comment trouver de nouvelles activités pour compenser la baisse plus ou moins rapide, mais prévisible, des activités historiques?
Les principaux leviers du corporate venturing
Pour s’engager dans une démarche de corporate venturing, les entreprises ont à leur disposition une série d’outils qu’elle peuvent utiliser en fonction de leurs ressources, de leurs préférences et de leur stratégie. Il arrive souvent qu’elles conjuguent plusieurs de ces leviers.
- L’incubation et l’accélération de start-ups : Ces initiatives visent à accompagner pendant un temps défini des start-ups « early-stage » pour les aider à se développer en leur fournissant des débouchés commerciaux, des ressources matérielles, techniques et éventuellement financières. Les objectifs poursuivis peuvent être d’apporter des améliorations et des innovations à l’offre existante, de démultiplier les efforts de R&D ou de développer de nouveaux modèles économiques pour l’entreprise.
- L’investissement : On parle ici de « corporate venture capital ». Les entreprises prennent des participations dans des start-ups innovantes dans des secteurs stratégiques pour l’entreprise. Les entreprises les plus sophistiquées dans ce domaine utilisent l’investissement comme un outil d’innovation au service de leurs différentes business units. Ces prises de participation peuvent favoriser et renforcer les partenariats stratégiques, être sources de profit potentiel en cas de succès, et éventuellement faciliter l’acquisition future si celles-ci deviennent des cibles.
- Le M&A : Voici un levier de croissance par excellence mais il faut en avoir les moyens. Il s’agit de faire l’acquisition d’entreprises qui peuvent soit renforcer une activité existante, soit constituer une nouvelle « plateforme » pour construire et développer une nouvelle activité. Acquérir permet de gagner du temps et d’engager une transformation qui n’aurait pas été possible autrement. On peut poursuivre 2 objectifs principaux, soit l’acquisition de briques technologiques ou techniques qui permettent de réinventer son offre ou ses opérations, soit l’acquisition de revenus supplémentaires au périmètre existant. Toute acquisition devrait en tout cas se faire sur la base d’un business plan attractif et solide et de synergies intéressantes.
- Les partenariats stratégiques : Il s’agit de partenariats ou de joint-ventures avec des sociétés extérieures afin de créer de la valeur pour l’entreprise et ses partenaires. Les partenariats permettent d’utiliser rapidement les compétences de start-ups en vue de créer des avantages compétitifs pour l’entreprise et en conséquence de générer des revenus supplémentaires pour les business units. L’avantage d’un partenariat est le gain de temps et l’économie d’investissement. Avant de nouer un partenariat stratégique, un business plan devrait être préparé. Chaque partie devrait définir des objectifs clairs sur le retour financier qu’il espère dans les 12 à 18 mois et les rôles et obligations de chacun devraient être détaillés.
- La R&D et l’innovation interne : C’est le département interne à l’entreprise chargé d’améliorer l’offre existante en y apportant des innovations ou de développer de nouveaux produits. Cette fonction est au cœur de toute stratégie de corporate venturing. Elle doit être orientée vers la création de nouvelles activités potentielles. Une fois qu’un projet attrayant de « new business » est identifié, ce nouveau projet devrait être incubé, doté d’une équipe indépendante, pluridisciplinaire et dédiée dont l’objectif sera de transformer le projet en business réel.
- Le digital : Dans tous les secteurs non technologiques, le digital constitue en soi une source intarissable de potentiels relais de croissance et d’innovation. En effet, Il existe des évolutions technologiques qui sont des tendances de fond et qui trouvent des applications dans tous les secteurs : la dématérialisation des contenus, la distribution en ligne, l’uberisation, le big data, les objets connectés, la réalité virtuelle, et bien d’autres encore. Il est donc fondamental dans une démarche de corporate venturing d’engager une initiative digitale dont les objectifs principaux seraient de rechercher les applications possibles du digital pour améliorer ou étoffer l’offre de l’entreprise, de développer des compétences digitales en interne pour être en mesure de mettre en oeuvre ces applications, et enfin d’acculturer et de former les employés pour les préparer à l’évolution de l’entreprise.
4 types d’entreprises face au corporate venturing
Bien sûr, toutes les entreprises ne se préoccupent de la même manière de leur stratégie d’avenir. On pourrait même les classer en 4 catégories en fonction de leur niveau d’engagement :
- Les technologiques : Le corporate venturing fait partie de l’ADN de ces entreprises, qui appartiennent aux secteurs de la Tech au sens large. Le cycle de vie très court des produits qu’elles commercialisent, l’évolution fulgurante de la technologie, la compétition féroce sur leurs marchés font que la recherche de nouveaux produits ou de nouvelles activités est un enjeu central et une obsession constante. Ces entreprises comme Google, Intel, Apple, pour n’en nommer que quelques-unes , sont toutes entières tournées vers l’avenir. Elles utilisent tous les leviers du corporate venturing (R&D, innovation, investissements, M&A, partenariats…) et entretiennent une culture d’entreprise elle aussi tournée vers l’innovation et l’avenir : formation continue, organisation de travail en mode projet, temps dédié aux nouvelles initiatives des employés et à la poursuite de nouvelles idées. Les « technologiques » sont souvent prises comme modèles par les « débutantes » et les « engagées ».
- Les survivantes : Ces entreprises n’ont ni les moyens, ni les ressources de s’intéresser au développement de nouvelles activités. Elles sont généralement en mauvaise posture, souvent des acteurs petits ou moyens en situation défavorable dans un marché mature ou en déclin. Tous leurs efforts sont portés sur la défense de leur activité historique et leur survie. La seule stratégie d’avenir envisageable pour elles est de se faire racheter ou de fusionner avec un acteur plus gros. Leur fermeture est également une issue probable.
- Les débutantes : Ces entreprises ont conscience que le corporate venturing est une démarche intéressante, que c’est en tout cas dans l’air du temps et qu’elles doivent s’en préoccuper. Elles y voient un moyen intéressant de communiquer auprès de leurs clients et de leurs employés. Elles avancent à tâtons et très progressivement, elles explorent et se contentent d’apprendre. Mais leur approche est largement insuffisante et superficielle. Elles souhaitent obtenir des gains rapides avec très peu d’investissements humains et financiers. Elles se découragent donc parfois car les résultats qu’elles obtiennent sont minimes. A ce stade, le corporate venturing est la « danseuse du président », une initiative parmi d’autres. Elles ont vocation à devenir « engagées » ou elles subiront sinon le même sort que les « survivantes ».
- Les engagées : Pour ces entreprises, le corporate venturing est un enjeu stratégique majeur, elles ont conscience que leur avenir se prépare aujourd’hui. D’abord, elles ont les moyens et les ressources financières nécessaires. Ensuite, elles affichent une motivation forte, impulsée par un management qui l’a clairement inscrit dans sa feuille de route. Enfin, elles ont développé une vision, un plan précis avec des objectifs à long terme et les moyens d’y parvenir. Elles sont engagées pleinement et ont actionné plusieurs des leviers décrits précédemment. Elles vont se tromper, à plusieurs reprises, et il n’est pas sûr qu’elles réussissent, mais elles s’engagent en réalité dans la seule voie possible. En effet, elles assument leur responsabilité : faire ce qui est en leur pouvoir pour ne pas céder au déclin, former et préparer leurs employés à l’avenir et inscrire leur action sur le long terme.
Et votre entreprise, dans quelle catégorie est-elle aujourd’hui?
Fondateur de WINGMIND, David Chouraqui est conseiller et coach de dirigeants et d’équipes de direction. Il est spécialisé en audits RH, assessment des dirigeants et accompagnement des changements et des transformations.