Une des préoccupations majeures des entreprises grandes et moyennes d’aujourd’hui est d’être capable de se réinventer, de trouver et de développer de nouveaux relais de croissance. Cette préoccupation est vitale car les entreprises naissent et meurent plus rapidement qu’auparavant. Comment efficacement lancer de nouvelles activités? Quelle réponse apporter face aux start-ups qui peuvent, par leur agilité, leurs innovations et leur croissance rapide, concurrencer et déstabiliser les acteurs existants?
L’environnement contraignant des grandes entreprises
Il existe un certain nombre de contraintes au sein des grandes entreprises qui rendent difficiles l’innovation et le développement de nouvelles activités :
- Immobilisme et résistance au changement
Il suffit d’interroger les patrons en charge de l’innovation ou de la transformation digitale dans des grands groupes, pour comprendre leur frustration à faire bouger les lignes et à faire avancer des projets innovants. Il est long et difficile de lancer de nouvelles initiatives. Procédures lourdes, processus de décision complexes et interminables, manque de volonté et frilosité du management, résistance au changement à tous les niveaux, poids de la routine et agendas personnels contradictoires des différents responsables.
- Le poids de l’existant
Quand on crée une entreprise et que sa première offre n’a pas rencontré de succès, soit on arrête, soit on « pivote », c’est à dire qu’on modifie son offre pour qu’elle soit plus pertinente. Et dans ce cas, l’approche est différente de celle d’une pure création car on doit se poser la question de l’existant. On ne se concentre plus uniquement sur la façon de répondre le plus efficacement possible aux besoins d’un marché, mais on prend également en compte ce que l’on a déjà construit, pour l’utiliser au mieux, voire pour le préserver. Cette démarche peut alors s’avérer contre-productive. Quand une entreprise a un certain historique et qu’elle cherche à créer ou à développer quelque chose de nouveau, elle doit se préoccuper de l’existant, du personnel en place, des contraintes internes, financières et politiques, des choix qui ont été faits jusqu’à présent, de la base de clients historiques, de la culture d’entreprise, de l’offre actuelle de services. Autant de paramètres qui peuvent ralentir et saper la création de nouvelles activités.
- Une approche court-terme
Malheureusement, peu d’entreprises ont une vision à long terme. La pression des actionnaires exige la création de valeur à court terme et donc une gestion orientée génération de cash, croissance de chiffre d’affaires et rentabilité. Les dirigeants, qui ne sont pas toujours inscrits dans la durée et dont les rémunérations dépendent de résultats rapides, n’ont donc pas toujours beaucoup d’intérêt pour les nouveaux business et l’innovation. En effet, les activités nouvelles sont souvent peu rentables et incertaines, représentent un chiffre d’affaire relativement faible et nécessitent des investissements qui impactent négativement la trésorerie.
Du « Spin-off » au « Spin-up »
Quand je travaillais pour The Gores Group, un fonds de capital investissement actif dans le rachat de sociétés américaines et européennes, nous étions spécialisés dans l’acquisition de « Spin-off » de grands groupes, c’est à dire de sociétés indépendantes nées à partir de branches d’activités d’entreprises plus grandes. Notre idée était simple, il y a un certain nombre de business de qualité noyés dans les groupes, qui sont des pépites mais ne reçoivent que peu d’attention de la part du top management. Notre objectif était de les racheter en les séparant de leur groupe, en leur donnant de l’autonomie et des ressources pour qu’ils puissent s’épanouir et se développer. Et cette recette fonctionnait. Les entités devenues autonomes et séparées connaissaient de bien meilleurs résultats. Pour réussir, nous utilisions à la fois les ressources et les actifs du groupe d’origine auxquels nous ajoutions nos compétences et nos ressources dans une structure distincte et indépendante.
On peut aussi appliquer cette approche au lancement de nouvelles activités. En effet, pour tenter de se défaire des contraintes dont nous avons parlé plus haut, les entreprises peuvent développer de nouveaux business en créant ce que j’appelle des Spin-up. Un Spin-up est la combinaison entre un Spin-off et une Start-up. Il s’agit de créer une nouvelle société issue et séparée d’une entreprise plus grande, qui soit dédiée au développement d’une activité nouvelle et innovante. Cette structure bénéficie a la fois des ressources de l’entreprise dont elle est issue mais également des avantages d’une start-up.
Les avantages du « Spin-up »
- La page blanche : rapidité, agilité et efficacité
Structure nouvelle et légère, le Spin-up permet d’agir rapidement, en se défaisant des contraintes de l’existant. Prenons l’exemple du Spin-up IDTGV, issu du groupe SNCF. IDTGV est une filiale du groupe SNCF et pourtant elle se distingue totalement de la marque de la maison mère et de son histoire pour proposer quelque chose de totalement nouveau. Une offre nouvelle, des codes nouveaux, une distribution totalement en ligne. Le choix d’une entité différente et autonome a permis de tout revisiter librement, de lancer rapidement et d’innover.
- L’accès à des ressources externes
Autre avantage, lorsqu’on sépare la nouvelle activité du groupe d’origine, on favorise l’accès à des ressources extérieures nouvelles auxquelles on n’aurait pas eu accès si on était resté intégré. On peut d’abord attirer des nouveaux talents qui se reconnaissent davantage dans le nouveau projet que dans la maison mère. Ensuite, on peut s’adresser à une nouvelle clientèle. C’est le cas de Hello Bank, filiale de de BNP Paribas 100% digital qui attire une clientèle en quête de mobilité et de simplicité, au-delà de la clientèle traditionnelle attachée aux agences. Enfin, créer un Spin-up est l’occasion de pouvoir s’associer avec des individus ou des entreprises qui co-investissent et collaborent au projet. C’est à la fois un accès à des sources de financement supplémentaires et à des savoir-faire complémentaires.
- Un développement entre croissance organique et croissance externe
Un Spin-up peut se construire grâce a des ressources et des savoir faire internes ou bien à partir d’actifs extérieurs qui sont contribués ou acquis. IDTGV est l’exemple d’un Spin-up développé à partir de rien, sans acquisition, par le groupe SNCF. A l’inverse, ZIPCAR, société de location de voitures spécialiste de l’autopartage, a été acquise en 2013 par le loueur traditionnel AVIS, qui depuis s’est servi de cette nouvelle société comme une « plateforme » accélérant son déploiement et son développement à l’international. Une entreprise peut aussi choisir, de façon intermédiaire, de prendre un ticket minoritaire dans une société, tout en se donnant la possibilité d’en faire l’acquisition plus tard.
- Des responsabilités et un engagement accrus du management et des employés
Quand on crée un Spin-up autour d’une nouvelle activité, on forme un centre de profit à part entière, ce qui implique de nouvelles responsabilités pour ses dirigeants. Ces nouvelles responsabilités ont pour effet d’augmenter leur implication et leur motivation, si leur mode de compensation prend en compte leurs performances et leurs résultats. Et si on donne la possibilité au management ou même à tous les employés de prendre part à l’aventure en pouvant investir dans le capital du Spin-up, leur engagement sera potentiellement plus fort. C’est d’autant plus vrai lorsqu’on fait l’acquisition de nouvelles sociétés. Laisser une part de capital au management d’une société acquise est un moyen efficace de s’assurer qu’ils restent impliqués.
- Des effets positifs sur le business existant
Le premier avantage à privilégier la séparation entre « nouveau » et « ancien » plutôt qu’à forcer « l’ancien » à devenir « nouveau » est de ne pas brutaliser le business existant. En évitant une transformation qui peut s’avérer douloureuse pour l’entreprise et ses employés, on minimise ainsi le risque de détruire de la valeur . Par ailleurs, le Spin-up peut avoir des effets bénéfiques sur tout le groupe. Il peut diffuser ses « best practices » au business existant, et susciter des vocations, en insufflant une culture de l’innovation et en encourageant la créativité et l’intraprenariat.
Vous avez aimé l’article? partagez le!
Fondateur de WINGMIND, David Chouraqui est conseiller et coach de dirigeants et d’équipes de direction. Il est spécialisé en audits RH, assessment des dirigeants et accompagnement des changements et des transformations.